Le Gang Des Antillais // Une perle rare du cinéma caribéen
Présent à l’avant-première du film de Jean-Claude Barny Le Gang Des Antillais, je tenais à partager mon ressenti du film.
SYNOPSIS
Dans les années 70, le BUMIDOM promettait de favoriser l’insertion en métropole des français des DOM-TOM. Jimmy Larivière, arrivé à Paris pour refaire sa vie, ne parvient pas à trouver sa place dans la société. Sa rencontre avec un groupe de trois jeunes antillais va l’entraîner dans une série de braquages retentissants.
UN COMBAT DE COQ
L’adaptation du livre autobiographique « Le Gang Des Antillais » de Loïc Léry par Jean-Claude Barny est une réussite tout simplement. Les six années de travail sur ce film à petit budget (2 millions d’euros et tourné en 1 mois) ont été nécessaires pour produire cette véritable pépite cinématographique.
Tournée principalement à Toulouse, Barny nous immerge sans difficulté dans le Paris des années 70 avec une qualité de détails, une précision des cadrages, une réflexion poussée sur l’éclairage et une richesse visuelle foissonnante qui font de chaque plan une composition graphique à part entière. Le film a du corps et surtout un discours sérieux autour d’une histoire authentique.
J’ai retrouvé à travers ce film le talent caribéen incisif qui habite chaque antillais en substance; celui qui nous manque tant en cette période de pénurie culturelle, un talent que Barny a su apprivoiser, rationnaliser dans un long métrage affirmé et assumé.
Le Gang Des Antillais est sans compromis, dans un métissage des genres entre polar et drame de société. C’est un film qui rend hommage à la culture caribéenne en toute modestie.
En profondeur, le Gang Des Antillais est d’abord une leçon d’histoire avant d’être une leçon de vie. Il aborde avec audace et maturité la période charnière du BUMIDOM, l’une des plaies béantes de l’histoire des départements d’Outre-Mer. A travers la vie du personnage principal, Jimmy, on retrouve tous les stigmates des traumatismes sociaux récurrents dans les sociétés modernes : acceptation de l’autre, être un étranger dans son pays, la rancoeur des communautés, l’arbitraire judiciaire et politique etc. Le film n’a jamais été autant d’actualité quand on pense aux migrations syriennes vers l’Occident.
La France de Barny, c’est la France du quotidien, celle pour laquelle on donnerait sa vie pour la défendre comme celle qui suscite la haine.
Effectivement le film a du corps, de par ces décors d’époque qui nous transportent vers l’ailleurs (Le spectateur devient un migrant) mais surtout un casting fin, d’une efficacité redoutable. Le moelleux de l’image est incontestable, chaque personnage est nécessaire pour que l’objectivité fonctionne. Entre le bien et le mal se situe la vie de chacun, seul face à ses choix. L’altruisme d’un patron de bistrot, l’amour d’une marraine, le cœur d’une femme, un enfant comme raison de vivre, voici les ingrédients d’un succès.
L’orchestration de Barny fait chanter la pellicule numérique : quelque chose se passe à l’écran; on est témoin de la violence sociale qui se révèle à nous comme un écorché vif de l’Histoire. L’Histoire avec un grand H connue pour sa démagogie et son amnésie se montre enfin sous son vrai visage, sans maquillage, brut de décoffrage. L’exploit accompli par Barny et son équipe est un pied de nez au politiquement correct.
Par ailleurs, le divertissement est bien présent sans pour autant tombé dans les dérives du gag. Cela fait quand même beaucoup de bien de voir un film « sérieux » caribéen, qui se prend au serieux, militant sans propagande et à portée universelle.